L'arbitrage Vidéo vu par des arbitres d'autres Sports

Trois arbitres de Basket, de rugby et de tennis nous font part de leur point de vue sur l’apport de la technologie dans leur sport et nous donnent leur point de vue sur cette évolution ……..un approche très pointue notamment de la part de notre passionné ami Anibal Castano

Anibal Castano ex arbitre international de Basket

L’apport de la technologie dans le sport de haut niveau pour valider ou invalider des actions de jeu n’est qu’une réponse devenue « presque » légitime au regard des conséquences « Aujourd’hui », du résultat final d’une rencontre ou d’une épreuve sportive médiatisée et donc considérée de « Haut Niveau ». En effet, l’économie est au cœur du « pourquoi » de la mise en place d’aide technologique à l’œil humain. Le sport H.N. tel qu’il est formaté dans notre quotidien du 21ème siècle… n’a strictement rien à voir avec celui qui se pratiquait il y a 50 ans…

Quelques chiffres pour bien comprendre :

Le salaire cumulé de tous les joueurs ayant participé à la finale de la coupe du monde de Wembley en 1966 devait être inférieur à celui que perçoit aujourd’hui Messi ou Christiano Ronaldo à eux tout seul.

Cette même finale de 1966 a été suivie sur les chaines de télévision mondiales par 35 pays et environ 400 millions de téléspectateurs à travers le monde.

La finale de 2014 au Brésil a été suivie par plus de 5 milliards d’individus sur la planète

En 1966 la BBC avait proposé un contrat TV « faramineux » de un million d’euros pour la retransmission de la coupe du monde …

Imaginez … les droits TV de diffusion des championnats de France de L1 et L2 pour la période 2012-2016 s’élèvent aujourd’hui à plus de 600 millions d’euros. !!!

 

Vous comprendrez qu’à la prise en compte de ces quelques repères : le but (ou pas) de Geoffrey Hurst pour l’Angleterre lors de la finale de Wembley 1966 aurait provoqué un véritable tremblement de terre aujourd’hui s’il n’avait pas pu être certifié valable auprès des sponsors, et de la vox populi qui a pratiquement intégré le football comme un vrai phénomène de société influant dans le monde moderne dans lequel nous vivons.

Alors « OUI », la victoire ou la défaite doivent être légitime et cartésienne aux yeux de tous ceux qui suivent le sport de HN derrière leurs écrans de télévision ou même depuis un stade, assis à 100 mètres de la ligne de but… Le supporter, le sponsor, l’entraineur, le joueur, les médias…. Le « polémiqueur » moyen  oublie dans le tsunami de l’émotion que l’œil humain de l’arbitre ne peut rien contre l’œil bionique de 50 caméras et autant de ralentis pour décortiquer s’il y a but, essai, pénalty, panier ou hors jeu…

Ainsi, pour répondre à des impératifs économiques, la technologie a été rendue obligatoire pour ne pas stigmatiser l’officiel d’incompétence dans un rectangle de bois ou de gazon où le professionnalisme a développé des joueurs qui vont plus vites, plus hauts, plus forts… et parfois plus tricheurs aussi ! … Car parfois dans ce monde HN où le sport est un business et le business c’est aussi du sport… L’organisateur, institution, le gestionnaire de cette entreprise ne peut vendre son rêve qu’à la condition de ne rien laisser au hasard.

Demain, bientôt, il ne pourra donc plus y avoir de légendes construites (Heureusement ? – Malheureusement ?) pour les livres d’histoire du Sport… qui ne pourront raconter pour l’éternité : que les célèbres et mystiques moments de la mémoire collective comme par exemple : le doute sur le but de Hurst à Wembley en 1966, la main de Dieu de Maradona en 1986 au Mexique…. ou la main d’Henry qui nous emmena en Afrique du Sud et qui, si la technologie avait porté secours à l’arbitre, aurait fait que la France n’aurait jamais connu l’après-midi funeste de Knysna. Comme quoi la technologie peut aussi avoir des conséquences sur l’éthique, l’image, l’histoire … et pas seulement l’argent !

L’arbitrage, par essence une activité à vocation humaine ; ne peut garder cette appellation noble que sur les terrains de toutes les communes du monde, bouillonnantes  le samedi soir ou le dimanche matin… Là où s’expriment le jeu, la jeunesse, le monde amateur et le bénévole venu tenir la buvette locale ou le drapeau du juge de touche. Le résultat tient alors sur les décisions de l’élu désigné à la conduite des débats, sur la seule foi de son appréciation, interprétation, décision ; sur son sens et sa compréhension du jeu, sur la qualité de sa relation avec les acteurs du jeu. Nulle machine, laser ou œil optique à son chevet pour l’aider à la décision : sa seule conviction, sa capacité à intégrer tous les paramètres du match fera de sa décision finale qu’elle soit sans appel et donc la seule référence du contributeur au juste résultat d’une confrontation sportive…. Mais ces rencontres-là ne se passent pas au Stade de France, à Wimbledon, au Madison Square Garden, au Maracana ou à Twickenham. Toutes ces rencontres sportives se déroulent plus anonymement ente le commun des mortels dans des enceintes à dimensions plus modeste, amateur et surtout sans diffusion médiatique étendue.

Pour ma part, c’est bien cet arbitrage-là qui est école de vie et formateur de la personne « Arbitre ». Activité et jugement humain, intégrant le requis de l’honnêteté et de l’impartialité comme socle sine qua non… mais intégrant aussi l’erreur qui par définition philosophique est « humaine » et donc faisant partie du jeu et de l’individu « imparfait ». On peut se demander quelle erreur est plus critiquable : Celle d’un arbitre qui n’a pas vu le hors-jeu d’un joueur parti 20 centimètres en avance sur son dernier défenseur ou bien celle d’un joueur qui a manqué pour la deuxième fois un même pénalty à retirer…. Pour le bon peuple sportif, il ne fait pas de doute du plus coupable. Pensez-vous au même que moi ?

Le but marqué sur un hors-jeu non signalé par un arbitre sur un terrain de province n’aura jamais le même impact que celui marqué par Benzema dans une finale de Champions Ligue. Nous somme sur deux planètes  complètement différentes qui n’ont en commun que le même règlement des lois du jeu pratiqué... Et c’est presque tout ! Dès lors que la transposition du jeu se fait sur le terrain médiatique d’une compétition HN, Nationale, Européenne, Mondiale ou Olympique … La technologie s’applique naturellement pour accorder un essai au rugby, un but au football, un Ace au tennis ou un panier au buzzer au basket…. Car l’esprit des gens a évolué au regard de l’évolution d’une grande partie de la société qui s’identifie au gagnant, au perdant… et à toutes ses incidences sociétales, économiques et morales.

Voilà, quelle est ma perception de l’apport technologique dans le sport. Bien évidemment en terme de formation « Hors Elite » ces outils ne s’appliquent pas et seul le jugement humain fait foi par la maitrise, la connaissance et l’application des règles apprises et maitrisées. Il y a bien un arbitrage à deux vitesses à cause je pense, des raisons précitées et qui ne représentent souvent que 1% de chaque sport dans un cadre qui s’appelle « L’Elite » ou le « Haut Niveau ». Par définition, bien sûr que tout ce qui est humain est et sera toujours plus noble que la technologie froide et cartésienne, sollicitée pour ses capacités rapides de calcul binaire (oui ou non / but, pas but …) et dépourvus de tout sentiment… Mais nous sommes dans deux contextes très différents et supposant des moyens, des besoins et des approches très distincts. Les médias, la vidéo, la technologie, l’économie, la société … tous ces éléments ont évolué et radicalement changé depuis la coupe du monde 1966, il était donc normal que le sport « Visuel » par tous s’adapte à ces nouvelles conditions, à ces paramètres nouveaux qui faut-il le rappeler, n’interviennent que dans 1% des terrains du monde entier…

Surement est-il plus essentiel (c’est mon avis) de se pencher sur ce qu’il se passe sur les 99% de tous les autres terrains de la planète dans tous les sports et former les officiels et les arbitres à ce qui selon moi doit rester avant tout une activité humaine, la seule capable de drainer émotion, sentiment, déception, joie, plaisir, progrès et valeurs.

En ce qui concerne le basket, la ligue Nationale (LNB) a développé la mise en fonctionnement de plusieurs outils destinés à apporter de la précision et à donner des réponses à des situations de jeu non maitrisées par les officiels … lors des rencontres des championnats professionnels de la LNB ! Ces éléments sont :

Un arrêt automatique du temps de jeu dès lors que le coup de sifflet de l’arbitre intervient – Pour cela un micro et un petit boitier électronique sont portés par l’arbitre et permet d’arrêter et de reprendre le jeu au moment précis où le ballon est en jeu où à l’arrêt (ballon mort). Chaque seconde au basket pouvant être cruciale, surtout dans la période de money time (fin de la rencontre quand se joue le résultat final du match)

Un autre dispositif électronique (boitier + micro) est également porté par les arbitres permettant de parler entre eux et destiné à parfaire la communication, la maitrise et la gestion de toutes les situations.

Une vidéo « Instantanée » est disponible pour les arbitres à la table de marque mais utilisable simplement pour vérifier :

Si un panier a été réussi à deux ou trois points (le joueur à mordu ou non la ligne délimitant la zone du tir à trois points)

Si lors d’un dernier tir à l’approche de la fin du temps de jeu de chacun des 4 quart temps ; ce tir a-t-il été réussi dans le temps de jeu légal où après la fin du temps de jeu (le ballon avait-il quitté les mains du tireur (ou non) au moment où intervient la fin du temps de jeu – ce qui valide ou non le tir réussi)

Dans les compétitions d’Euroligue, la vidéo est aussi utilisée pratiquement à chaque besoin exprimé par l’arbitre dès lors qu’il a un doute … par exemple sur l’identité du dernier joueur à avoir touché le ballon avant qu’il ne sorte de l’aire du jeu – redonner le ballon à la même équipe pour la remise en jeu)

Damien Daussivat arbitre fédéral de rugby

Dans le rugby nous avons l'arbitrage vidéo : 

Dans un premier temps l'arbitrage vidéo n'était utilisé que dans les en-but pour valider ou non un essai.

Aujourd'hui cet outil est aussi utilisé pour voir les gestes de jeu déloyal sur l'ensemble du terrain mais aussi pour vérifier lorsque l'arbitre à un doute s'il n'y a pas eu une faute dans le jeu qui aurait favorisé un essai ou non.

C’est une avancée pour les arbitres. Les erreurs sont diminuées et les décisions sont mieux comprises par les joueurs les entraîneurs et les spectateurs.

Cet outil n'est utilisé qu'au niveau international et en TOP 14 (en France). Les conditions d'arbitrages sont donc différentes entre le monde professionnel et le monde amateur.

Comme la vidéo ne ment jamais les arbitres ont moins le droit à l'erreur aussi!

L'appel excessif à la vidéo créé des temps de pause et de nombreux arrêt de jeu. Cela gâche un peu le spectacle! 

La vidéo permet donc d'épauler les décisions de l'arbitre mais permet aussi de critiquer certaines décisions.

Thomas Meunier, arbitre de tennis

Au tennis, il existe aussi un système informatique  destiné à l'arbitrage appelé Hawk-Eye (œil de faucon).    Il est utilisé sur les circuits professionnels de tennis WTA et ATP. Le système va, grâce à une dizaine de caméras « high speed » et des ordinateurs, reproduire la trajectoire de la balle en trois dimensions par images de synthèse.  Dans un match, les joueurs ont droit à en avoir recours.

 En cas de doute, le joueur fait le signe désormais bien connu : un petit coup de raquette vers le ciel pour le demander, ce qu’on appelle le challenge.

A ce moment-là, les images prises simultanément par les caméras sont réunies dans un ordinateur central, qui va recréer la trace en 3D. Après une dizaine de secondes seulement, le tracé de la balle est envoyé sur un autre ordinateur qui se charge, lui, du graphisme et crée une animation. Elle apparaît alors sur le court, sur un ou plusieurs écran(s) géant(s), avec la fameuse mention « In » ou « Out ».

Toute l’opération se règle quasiment en instantané et n’excède généralement pas 30-40 secondes. Si le joueur a raison, il garde son nombre de challenges, mais s’il se trompe il en perd un à chaque fois.

Sur terre battue ce système n’est pas appliqué. C'est une spécificité de la terre battue, avec la fameuse science de la trace et c'est beaucoup plus compliqué qu’il n’y paraît. Il ne faut pas perdre de vue la trace et ensuite être capable de l’analyser, voire de la reconstituer quand elle est incomplète. Aucun ordinateur ne pourra le faire ! 

Je pense que tout système technologique pourrait être intéressant mais en complément de la fonction centrale de l’arbitre. Je pense qu’en football notamment , que les arbitres, avec toute la pression qu'ils subissent seraient soulagés de savoir que tout système fiable puisse les aider en cas de décision difficile à prendre.

M.TAHAOGLU arbitre de Hand Ball

Pour moi cette nouvelles technologie (goal line technology) était primordiale vu la complexité pour la validité d’un but surtout si le match en lui-même avait un fort enjeu final dans une grande compétition comme la ligue des champions par ex 

L’arbitre de football a un outil supplémentaire à sa disposition pour pouvoir se concentrer sur d’autres situations de jeux, et par contre sur cette action en particulier il ne pourra plus être soumis à la critique. 

Les seuls qui seront tristes seront, ceux qui se disent des analystes, qui souvent ne connaissent rien à arbitrage mais en parlent beaucoup,  auront une chose de moins sur laquelle ils ne pourront plus débattre (rire)   

Me concernant dans le handball, aucun dispositif technologique n'existe car on arbitre en binôme et il y a toujours un arbitre derrière les buts, avec un visuel pour pouvoir valider ou non un but.

Pour moi cela ne crée pas un sport à 2 vitesses car le monde du sport a pris un enjeu  très important ; Les spectateurs, les coaches, les joueurs sont de plus en plus exigeants et attendent beaucoup de arbitrage 

Nous sommes dans une nouvel ère de technologie ou le progrès ne s'arrêtera pas de sitôt….. Les arbitres auront encore d'autres outils à leur disposition ce n’est plus qu'une question de temps et d’argent.