Rencontre avec Quentin HOERNER, ex-Jeune arbitre fédéral bourguignon

Rencontre Avec Quentin HOERNER, ex-Jeune arbitre fédéral bourguignon, qui pour des raisons personnelles a migré vers les USA… il y pratique à nouveau l’arbitrage, un témoignage plus qu’intéressant…

1- Bonjour Quentin, tu es arbitre de Football, ou soccer là-bas, aux états unis. Mais avant de nous expliquer ta fonction arbitrale sur le sol américain, peux-tu te présenter et nous rappeler ton parcours sportif en France, quand tu étais à l’époque arbitre dans le Pays minier avant de migrer vers d’autres ligues ?

Avec plaisir ! J’ai commencé l’arbitrage en mars 2002, après 5 saisons en tant que joueurs, alors que j’habitais Gueugnon. A force d’entrainement et de travail, je suis devenu Jeunes Arbitre Ligue de Bourgogne en Septembre 2003, puis ensuite, avec abnégation, je suis devenu Jeune Arbitre de la Fédération en Juin 2007, et obtenu mon titre d’Arbitre Ligue Senior en Ligue Atlantique la même année. Malheureusement je n’ai pas eu le temps d’en profiter très longtemps, la faute à une sérieuse blessure au genou qui m’a éloignée des terrains pendant près d’un an et demi, avant de partir pour le travail à Malte en fin 2008.

2- Pourquoi as-tu décidé de reprendre l’arbitrage dans un pays où le football n’est pas le plus populaire des sports ?

L’arbitrage ne m’a jamais quitté d’une semelle. A Malte, je cherchais à reprendre du service, mais hélas mon genou n’était pas assez solide, voire fiable. Mon retour dans cette famille, a été privilégié par l’accueil de Jean Marc SALZA en Ligue Rhône-Alpes en 2012 à mon retour en France.

Il m’avait sondé sur un possible retour sur les terrains, ce que je n’envisageais pas pour diverses raisons. L’idée d’intégrer le pole des observateurs est venue, puis une collaboration à la préparation des candidats JAF de la Ligue avec Richard PION s’est mise en place. Cela a réveillé la flamme si je puis dire. Puis je retrouvé de bonnes sensations en reprenant progressivement le jogging une fois arrivé en Californie. Les signaux étant au vert, je me suis relancé ce challenge de reprendre ma passion là où je l’avais laissé, ou presque.

3- Comment se déroulent les examens, les formations, en somme la vie d’un arbitre aux États-Unis ?

L’initiation aux lois du jeu est une certification qui se fait sur internet « en ligne ». Elle se fait tous les ans au moment où l’arbitre s’acquitte d’un droit d’inscription à titre individuel (pas d’affiliation à un club). La formation théorique est faite principalement via des modules en ligne, présentant les essentiels de chaque lois une à une. A la fin de chaque module, 6 questions viennent vérifier la compréhension du texte. Si vous n’obtenez pas le score minimum, il vous suffit de recommencer ! Autant de fois que nécessaire.

Cette pratique est d’ailleurs aussi de mise pour les préparations aux examens d’entraineur pour les deux premiers niveaux. Concernant l’évaluation pratique, elle reste somme toute assez semblable à celle pratiquée dans l’hexagone, bien qu’il faille l’admettre, les exigences sont encore loin du niveau français. Cela ne conduit pas à un classement collectif régional car ce ne sont pas les ligues qui organisent les promotions ou les relégations ; ici chaque arbitre ayant atteint les minima a le droit de candidater pour le niveau supérieur, qu’il en ait le potentiel de succès ou non. Il est important de préciser qu’ici c’est l’arbitre qui paye directement l’observateur pour ses conseils. C’est aussi une question financière, car les honoraire ne sont pas minces. La culture de l’entreprenariat est à son paroxysme jusqu’au bout des sifflets !

4- Comment se déroulent les rencontres ? Est-ce vraiment différent par rapport à chez nous ?

La préparation de match est assez rudimentaire ; on vérifie une liste de joueurs inscrits pour la saison par équipe, les équipements du terrain et des joueurs, et le ballon et on commence. Ce qui est marquant, c’est l’absence absolue de vestiaires pour le corps arbitrale. Que l’on soit dans un club professionnel n’y change rien, et même lorsqu’on est amenée à arbitrer les sélections nationales jeunes, on se change soit sur le parking, soit sur le bord du terrain. Il arrive donc que l’on soit amené à faire la queue avec les spectateurs pour aller aux toilettes avant un match ou à la mi-temps, ce qui n’est pas des plus rassurants. Le focus du développement du football concerne uniquement les jeunes joueurs et le niveau professionnel. Les arbitres non professionnels en sont un peu laissés pour comptes.

En ce qui concerne le contenu de la rencontre, techniquement et tactiquement cela ressemble aux compétitions jeunes nationales françaises. Mais du point de vue comportemental, la contestation avec véhémence semble être la norme. Vraiment beaucoup plus qu’en France. La majorité des acteurs du soccer ne connaissent pas les règles, ni les responsabilités de leurs arbitres.

Aucune formation de ce genre n’est encore à l’ordre du jour dans les centres de formation, les « Academy », qui viennent tout juste d’être créées. Cela s’explique en partie par la pression que les parents exercent sur les jeunes pour passer professionnel rapidement ou décrocher une bourse scolaire. Pour certain joueur, chaque situation est une question de réussite ou d’échec professionnelle, et une décision contraire à leur intérêt individuel ou collectif devient une source de conflit. Il faut y être, selon moi, très attentif.

5- A quel niveau évolues-tu et quelles sont tes ambitions personnelles ?

Aujourd’hui j’évolue au niveau ‘’Grade 6’’, ce qui équivaut au niveau régional tel qu’établi en France actuellement. Pour autant la quasi-totalité des matchs à mon actifs demeurent dans le cadre de compétitions jeunes nationales (niveau U19 et U17 nationaux) et non séniores, car les instances locales considèrent que la priorité est de développer le soccer chez les jeunes joueurs, et donc d’y allouer les meilleures conditions possibles –donc les arbitres les plus expérimentés. Ce qui me ravit ; cela me permet de revivre mes années de jeune arbitre de la fédération durant lesquelles j’avais pris beaucoup de plaisir. En bref je n’ai pas d’autres ambitions que de prendre du plaisir à pratiquer ma passion, et de me dépenser physiquement. Je considère que c’est déjà une grande chance de revenir sur les terrains après autant d’années ! J’irai là ou mon désignateur aura besoin de moi !

6- Enfin, l’arbitrage aux States c’est aussi le rêve américain ?

Ce qui est certain, c’est que le soccer prend une place grandissante dans les medias américains. Los Angeles comptera bientôt une nouvelle franchise, Miami, Las Vegas et San Antonio devraient émerge et prendre place en MLS dès l’horizon 2018. Ce qui pérennisera le sport dans la durée. Pour autant je reste objectif quant aux impératifs essentiels à venir pour répondre à l’ambition locale ; devenir un des meilleurs championnats au monde d’ici 2022. C’est l’ambition revendiquée par la MLS et la Fédération Américaine de Football (USSF). Cela ne peut se faire sans arbitres. Les oublier, quelle qu’en soit les motivations, serait contre-productif. Lorsqu’on veut consolider une maison, ne doit-on pas commencer par les fondations ? Enfin, je ne sais pas si j’expérimente actuellement le rêve américain, en revanche, j’ai connu le rêve de l’arbitrage bourguignon. Il ne saurait rougir d’aucune comparaison dans mon esprit, tant il a imprégné mon coeur de grand souvenirs, et mon palet de grands vins !