L’arbitrage chez nos collègues d’autres sports

Nous allons vous faire partager l’arbitrage dans d’autres sports avec des collègues arbitres de notre région. Cette semaine, nous allons commencer avec Anibal CASTANO, l’un des arbitres de basket les plus réputés de l’Hexagone qui vient de mettre récemment un terme à sa carrière. Quand on a eu la chance de côtoyer Anibal , on comprend plus ce que représente l’arbitrage pour cet homme passionnné et sans langue de bois... :

  1. Bonjour Anibal, tu es arbitre de Basket, peux-tu te présenter rapidement ?

    Salut à Tous. J’ai 54 ans, j’habite sur la commune du Breuil, je suis marié et père de trois enfants. Je peux dire que dans ma tête je suis toujours arbitre même si j’ai arrêté un long parcours de 38 années de « sifflet » le 16 mai dernier avec mon dernier match de Pro A à Bourg en Bresse.

  2. Comment es-tu venu à l’arbitrage et à quel niveau as-tu évolué ?

    J’ai commencé un 1er avril 1977 (et ce n’est pas un poisson), quand l’un des dirigeants de mon club (Torcy) m’envoya participer à un stage d’arbitre à Avallon. Notre club avait besoin de former des officiels et j’étais quelqu’un de très motivé par tout ce qui concernait le basket… J’étais joueur, j’entrainais les jeunes, je commençais à être un jeune dirigeant et c’est tout naturellement que je me suis dit : « Ça tombe bien, il me manque une corde à mon arc ». J’ai très vite accroché à cette activité qui correspondait plutôt à mon caractère et… à force d’implication, de travail et grâce aussi à quelques formateurs qui m’avaient beaucoup aidé, j’ai gravi les échelons un à un pour me retrouver à officier en Ligue Pro en 1985 puis International en 1996 pendant 12 ans.

  3. Quelles qualités essentielles sont nécessaires pour arbitrer au basket ? et aussi quelles sont les principales difficultés ?

    Je ne crois pas que les qualités requises pour être arbitre de basket soient très différentes de celles qu’il est nécessaire d’avoir quand on est arbitre d’autres disciplines et notamment pour ce qui concerne les sports collectifs. Il faut d’abord bien connaître et comprendre le jeu, être prêt à devoir gérer l’imprévisible, cultiver un mental adapté pour cela, maitriser ses émotions, développer sa concentration et beaucoup travailler sans discontinuer pour acquérir des automatismes et enrichir une base de données la plus riche possible de situations de tout genre à laquelle on fait référence en permanence. Aussi et surtout : être capable de bien appréhender les relations avec tous les acteurs du jeu et ne jamais oublier qu’être arbitre c’est avant tout une activité humaine. Avec cela et par opposition, on peut presque deviner les difficultés que l’on peut rencontrer quand on ne possède pas cette base quasi obligatoire quand on évolue à Haut Niveau. Plus généralement, disons que pour le basket et ses 170 pts de moyenne par match, il faut être très concentré sur chaque phases de jeu qui ne peuvent durer au maximum que 24s. Le basket est un sport où l’adresse, la vitesse, sont deux de ses caractéristiques principales. C’est un sport très technique…. Toucher un joueur peut être une faute mais l’arbitre peut aussi le tolérer… La culture du jeu donne souvent les réponses à bon nombre de situations. Ce qui est difficile ? … C’est par exemple de ne pas être dans le bon tempo de la rencontre quand le match commence… et que les acteurs du jeu doutent de la contribution de l’homme au sifflet… et que l’arbitre le sent ! Mais rien n’est jamais perdu, les forts sont ceux qui sont capables de remettre le train sur les rails… sans dommages pour le jeu !

  4. Comment est structuré l’arbitrage au basket ? Comment se passent les désignations et les promotions ?

    La structure globale est établie sur quatre niveaux : départemental, régional, zone (plusieurs ligues régionales) et fédéral. Il existe des passerelles entre chaque entité. Des responsables techniques suivent les performances et les profils de chaque arbitre. Chaque structure et championnat possède son répartiteur qui désigne les arbitres en fonction du classement de chacun, « équipes et arbitres »… et de quelques consignes des référents techniques, des instances dirigeantes des diverses commissions. J’ai quelques inquiétudes depuis quatre ou cinq ans par rapport aux options et choix politiques pris pour promouvoir et susciter des vocations à l’arbitrage de mon sport. Les désignations de nos meilleurs arbitres dans les grands compétitions sont les quelques arbres qui cachent une sombre forêt qui voit les effectifs d’arbitres baisser et compliquer l’accès équitable au niveau supérieur. La qualité du jeu progresse plus vite que la qualité des arbitres. Une formation pédagogique trop axée sur des supports numériques oublie le fondamental que constituent le terrain, le jeu…. Et l’humain ! Je n’ai jamais été de ceux qui disent que tout va bien quand justement l’essentiel ne va pas… N’en déplaira à ceux qui s’en offusqueront ! Il n’est nullement question de polémiquer mais bien juste de poser quelques constats sur la table. J’aurai beaucoup à dire sur le sujet car l’une des choses qui m’a le plus motivé tout au long de mon chemin a toujours été la formation, l’accompagnement et simplement…. Reverser un peu de tout ce que j’ai appris…. Vaste débat !

  5. Et si on rêve un peu...... comment un jour se retrouver sur un championnat d’Europe ou de coupe du monde ...... ?

    Avant, je savais comment… on travaillait, on faisait ses preuves et les choses apparaissaient naturellement, légitimement. Aujourd’hui, les choses sont plus opaques et beaucoup moins lisibles. Les liens que tu entretiens avec les hautes sphères prennent parfois le pas sur la force du terrain ou la reconnaissance du milieu du terrain. La fédération doit être actrice pour promouvoir ses meilleurs éléments au sein des instances FIBA, Aujourd’hui, on a l’impression qu’elle choisit, qu’elle dicte les choses à sa mesure et son bon vouloir en donnant des messages sans équivoques à ceux qui se singularisent dans leurs comportements ou ne sont pas dans les « bons codes »…. Là aussi : « Vaste débat »… J’y ai toujours été prêt… Les Yeux dans les yeux !

  6. Quel regard portes-tu sur l’arbitrage de tes collègues dans le football ?

    Quand je regarde un match de foot, j’ai forcément un œil spécial par rapport à la manière où le collègue conduit sa rencontre en fonction des paramètres et des circonstances de la confrontation. Il y a parfois des choses ou des situations très intéressantes que je n’analyse pas de la même façon. Quelques-unes m’étonnent et je me dis quelquefois : « Je n’aurais pas géré comme ça », il s’agit principalement de tout ce qui colle aux aspects relationnels… Et puis parfois, je dis « Whaoo, chapeau pour sa psychologie, il s’en est sorti comme un roi, Bravo ! ». Je suis très attaché à cette relation entre joueur, coach et arbitre : elle est souvent la clé de nombreux problèmes à résoudre. Je trouve l’arbitre de foot très courageux, surtout quand il est stigmatisé sur le seul but de la rencontre et qu’il y avait « Hors-Jeu » ou pas… « Pénalty » ou pas… « Carton rouge » ou rien. Je trouve le spectateur (supporter, journaliste, dirigeant….) très injuste et peu tolérant à l’égard du directeur de jeu… Encore une fois, beaucoup oublient que c’est une activité humaine et que donc par définition elle est faillible ! J’aurais aimé arbitrer un jour un match de foot pour me rendre compte et toucher du doigt les différences avec le basket… un peu comme le concept « Vis ma vie ». En tout cas, j’ai beaucoup appris ou me suis servi de quelques détails perçus ici et là pour traduire et transposer certaines choses sur mon parquet de bois…. L’observation est une source d’inspiration, de clé pour ouvrir certaines portes parfois…. Celui qui s’adapte a toujours un temps d’avance….

  7. Enfin, nous te solliciterons au cours de la saison pour avoir ton avis d’arbitre de Basket sur des sujets précis, es-tu ok pour jouer le jeu avec nous ?

    J’apprends à l’instant ton intérêt pour cela. J’en suis non seulement très flatté mais surtout très motivé pour faire part de mon expérience à n’importe quel groupe d’arbitres. Nous avons des choses communes, en cela il peut être intéressant de les partager, les compléter ; les discuter, les opposer… ou simplement les raconter ! Votre ligue m’avait fait l’honneur de m’inviter il y a quelques années à l’un de ses rassemblements. J’avais beaucoup apprécié. Depuis, avec Clément Turpin, nous nous sommes retrouvés dans quelques actions communes très enrichissantes de par les approches différentes, les visions spécifiques de la haute compétition. Je me suis rendu compte que nous avions tellement de choses en commun…. Alors c’est un grand « OUI » pour venir participer modestement à vos travaux ; quelque soient les sujets traités ou abordés et donc plus que jouer le jeu… je suis prêt à jouer tout court !

    Merci de m’avoir donné cette tribune pour exprimer cette addiction que je porte en moi si passionnément par rapport à l’arbitrage… C’est pour l’instant l’une des plus belles écoles de vie que j’ai connu. On n’a jamais fini d’explorer les entrailles des choses qui nous animent et qu’on aime… Alors… A très bientôt… Assurément !